L'anniversaire

Publié le par Pomme Pidouwap

C’est votre anniversaire et vous êtes célibataire. Vous n’avez toujours pas d’appart et êtes en train de vriller façon syndrome de Peter Pan. Plus rien n’a d’impact sur vous sauf ce que vous allez faire le vendredi soir, comment vous allez rencontrer le mec de votre life et à quel alcool vous allez vous murger. Vous ne prenez plus aucune décision et vivez votre vie dans le déni le plus total. Vous ne supportez pas que l’on vous parle de votre ex, votre âge ou votre colocation avec vos parents. Lorsqu’il vous arrive d’y réfléchir, vous changez automatiquement de sujet avec vous-même. Vous ne voulez plus être celle que vous étiez et virez à l’opposé le plus radical. D’adulte responsable, posée et réfléchie, vous êtes passée à la caricature de l’adolescente immature et sanguine.

Dans moins de quelques jours, c’est votre anniversaire. Vous ne savez plus comment le gérer. Voilà 8 ans que pour vous c’était une évidence, vous le passiez en couple. D’ailleurs, à l’époque, votre anniversaire vous vous en tapiez comme de l’an 40.

Du coup, vous voilà bien emmerdée. Ça ne vous était pas arrivé depuis 8 ans. Pour le moment, votre seule manière d’exister c’est par le regard des autres. Vous aimeriez que l’on vous voit comme la reine du lycée, la première dauphine de miss camping, la pop star de la fac. Bref, tout sauf la célibataire SDF de 30 ans que vous êtes devenue.

Dans votre tête, vous êtes revenue 8 ans en arrière. Vous avez 22 ans d’âge mental, un cerveau de pois chiche, une naïveté qu’on pourrait presque prendre pour de la connerie et une énergie monstrueuse.

Cette année, ça va être la méga teuf, la grosse boum, la murge de la décennie.

C’est bien simple, vous allez faire un truc que vous n’aviez jamais envisagé, pas même lorsque vous aviez 20 ans. Vous avez décidé que cette année vous vouliez le passer en boîte avec vos deux fidèles meilleures amies.

Mais voilà : si votre vie a changé du tout au tout cette année, celle de vos copines n’a pas bougée. Elles vous accompagneront, bien sûr mais vous l’avez bien senti, à contrecœur et inquiètes pour votre santé mentale. Alors que vos signaux d’alarme auraient dû s’allumer avec leurs réactions, vous voilà bien au contraire surmotivée.

C’est comme ça que vous vous retrouvez au milieu d’ados en brassière et shorty, dansant sur du Booba avec vos deux meilleures amies qui tirent la gueule. Bien entendu, vous avez l’alcool mauvais :

  1. Vous avez l’impression d’être une inuit dans votre tenue. Si vous aviez su vous seriez sortie en soutif
  2. Y a que des jeunes. Très jeunes. Trop jeunes
  3. Vous ne tenez plus aussi bien l’alcool qu’il y a quelques années, vous alternez entre nausées et envie de pleurer

Vous ne vous laissez pas démonter et vous enquillez mojitos sur mojitos.

Autant vous le dire, une demi-heure plus tard, vous êtes en train de brailler à qui veut bien l’entendre que votre vie est foutue. Entre deux crises de larmes, suivie de près par vos copines, vous vous effondrerez dans une cuvette de chiotte plus que douteuse, priant le ciel pour que ça dure pas longtemps. Vous vous ferez la promesse, pendant un bref instant de lucidité, de plus jamais toucher une goutte d’alcool. Vous hurlerez avec toute la crédibilité que vous permets votre voix pâteuse et votre dégaine de cougar complètement alcoolo, que pour vous, les mecs, c’est fini. Tous des connards.

Vos copines devront vous traîner à la voiture pour rentrer.

Elles vous déposeront à l’entrée de chez vous, soulagées de finir la soirée.

Vous chercherez vos clefs pendant un temps qui vous semblera infini, avant de lâcher l’affaire et de vous endormir sur le seuil de la porte de la maison familiale.

C’est votre petite sœur de 25 ans qui vous retrouvera, le lendemain matin, roulée en boule, dans le jardin.

Vous venez d’avoir 30 ans. Vous êtes célibataire. Vous croyez que votre vie se termine là, tout de suite, à côté de votre flaque de vomi, sous le regard médusé de votre petite sœur, choquée.

Dans un semblant de dignité, vous vous relèverez super rapidement, ignorant votre mal de tête, lançant un « qu’est-ce t’as demi-portion ? Tu veux ma photo ? » réalisant d’un coup, d’un seul que ça fait quinze ans que vous n’avez pas parlé comme ça.

Vous le savez, il va falloir redevenir adulte. Vous ne vous l’avouez pas encore mais savez que c’est une crise passagère. Normale. Une sorte de rébellion puérile, une revanche salvatrice. Vous ne vous connaissez pas encore adulte et célibataire. Vous ne savez plus vous y prendre, ne comprenez plus qui vous êtes. Il va vous falloir du temps. Si dans votre tête tout ça c’est pas encore bien clair, ce qui le devient c’est que non, vous ne vous remettrez pas sur pied en un mois. Qu’il va falloir accepter votre âge, votre statut social, vos choix.

Que finalement ce n’est pas quitter le plus difficile, c’est vivre avec l’intégralité de ses valises à se traîner et les assumer.

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