La guerre

Publié le par Pomme Pidouwap

Ca y’est, vous avez atteint le Saint Graal : vous êtes enfin en complète osmose avec vous-même. Plus rien ni personne ne pourrait vous faire changer d’avis, vous en êtes convaincue. Vous êtes persuadée que vous pouvez être hyper heureuse et complète, seule.

Vous êtes devenue la caricature de la célibataire, affirmant son indépendance à tout va, ne laissant personne vous approcher, intimement persuadée que si votre ex a échoué, personne jamais, ne pourra y arriver.

Vous vous êtes mise à plaindre de tout votre cœur les couples, transposant votre histoire en toutes circonstances.

Vous êtes très fière de vous. En 6 mois vous avez su vous relever, vous retrouver, vous réaffirmer.

Vous n’avez plus peur le soir. Vous savez à présent changer une ampoule. Les fusibles n’ont plus de secret pour vous.

Vous vous êtes mise à faire du sport, avez réussi à vous remettre à la lecture, avez découvert les bienfaits de la méditation et du yoga, avez quasiment réussit à arrêter de fumer, ne buvez presque plus d’alcool. Vous mangez bio.

Bref, tout va pour le mieux, vous avez réussi autant que faire se peut à vous retrouver un équilibre. Vous vous suffisez, vous vous adorez, vous n’avez plus besoin de personne.

Vous vous êtes mise à vous en foutre comme de l’an 40 des regards des autres sur vous, vous vous sentez bien épanouie, et femme, même quand vous sortez faire vos courses au supermarché en jogging, les cheveux enduits d’huile de ricin.

Vous êtes vous-même. Vous êtes arrivée à ce que tous les coachs de développement personnels ambitionnent pour leurs clients : l’épanouissement personnel. Le jmenfoutisme total des conventions sociales. Vous êtes la tranquillité, la douceur, le pacifisme. Vous êtes Bouddha, vous êtes Gandhi, vous êtes Jésus.

C’est dimanche matin. Votre frigo est vide et vous crevez la dalle. Vous vous êtes levée de travers, vos cheveux ressemblent à rien, vous avez trois boutons sur le visage, des cernes à faire peur, un rhume qui traîne et plus qu’un vieux jogging propre à vous mettre. Autant le dire, vous le savez, vous êtes dégueulasse.

Ça vous pose aucun problème. Vous sortez en l’état, capuche sur la tête, inconsciente que dans 10 minutes vous allez vivre le drame que vous croirez être celui de votre vie pendant au moins les 6 prochains mois.

C’est au rayon fromage que vous l’apercevez. Lui. Votre ex. Votre putain d’ex que vous ne vouliez plus jamais revoir se tient là, à 2 mètres de vous. Mais c’est pas tout. Non seulement il se tient là, dans votre supermarché du dimanche matin, fier comme un paon, rutilant comme un sou neuf, devant votre rayon préféré mais en plus il rit aux éclats avec une blondasse d’1m75 tout droit sortie d’une pub Colgate.

Vous le détestez. Le haïssez. L’abominez. L’exécrez. Vous ne trouvez pas de mot assez fort pour décrire ce que vous ressentez là, à cet instant.

Vous n’êtes plus la fille d’il y a 10 minutes, paisible et tranquille. Vous êtes en train de vriller, dans votre tête c’est le dawa.

Vous aimeriez partir en courant, mais vous ne pouvez pas, il faudrait passer devant eux. Vous aimeriez lui demander qui c’est la p*te avec qui il flirte, mais vous n’en avez pas le droit, vous n’êtes plus avec. Vous aimeriez qu’il vous voit, vous aimeriez qu’il ne vous voit pas. Vous ne savez plus, vous êtes complètement perdue. Vos cheveux commencent à vous gratter, et vous vous rappelez qu’ils sont complètement gras. C’est finalement ce qui va vous décider à vous réfugier au rayon produits ménagers. Vous attendez. Et c’est là, entre produit vaisselle, eau de javel et produits pour toilettes que le drame se produit :

- Hey ! Mais qu’est ce que tu fais là ?

Et voilà. Vous étiez tellement perdue dans vos pensées que vous avez baissé votre vigilance en scotchant sur une boîte de Canard WC.

Vous vous retournez d’un bond, sur la défensive :

- Et toi ?

Il rit. Vous le connaissez bien ce rire. C’est celui du mec complètement décontracté, heureux, bien dans ses pompes, celui qu’il avait quand vous vous êtes rencontrés.

- Carla habite à côté…

Elle vous regarde de haut cette conne avec ses yeux bleus, ses 15 centimètres de plus que vous, ses cheveux propres, sa peau nickelle et ses fringues parfaitement ajustées.

Vous êtes crispée. Vous vous êtes mise à sourire comme si vous veniez de gagner au loto. En vrai, vous ne savez plus quoi dire. Quoi faire. Vous êtes en position de vulnérabilité, vous les détestez tous les deux, mais impossible de faire autrement que de faire comme si vous étiez ravie. Vous voulez garder la face.

Il reprend :

- Et toi alors ? Qu est ce que tu fais là ? Tu habites par ici ? 

Et là c’est la panique. La vraie. Cette simple question suffit à vous mettre devant ce que vous êtes, et ce qu’il est devenue. Les faits sont là. Criants de vérité. Vous êtes dégueulasse, seule et moche, tandis que lui est épanoui, en couple et beau.

Vous n’avez qu’une solution. Vous le savez. C’est comme ça que vous vous mettez à déblatérer à toute vitesse que y a Julio qui vous attend et que vraiment vous êtes pressée. Qu’il est garé en double file avec sa Ferrari, parce que oui, le mec il est très important, il a inventé une appli, mais vous savez plus laquelle. Que vous êtes désolée pour votre tenue mais vous sortez d’une soirée au Ritz, très agitée et que vous espérez que Closer va pas publier de photo de vous hier soir parce que vraiment c’était très très agité. Qu’en fait vous n’allez rien prendre dans ce supermarché, vous demanderez à Basile, son homme à tout faire de vous le rapporter, parce que là vous êtes vraiment très très pressée. Mais que votre vie elle est trop cool. Vraiment trop trop cool.

Il vous regardera comme si vous aviez pété un plomb. Vous leur claquerez une bise oubliant vos cheveux sales et votre peau grasse. Vous vous éloignerez à pas de crabe vers la sortie vous faisant rattraper par le vigile parce que vous avez oublié de reposer les tablettes de Canard WC que vous teniez serré contre vous pendant tout votre discours.

Vous rentrerez chez vous et vous sentirez affreusement seule. Affreusement vindicative. Comment ce type avec qui vous avez partagé 8 ans a pu vous se remaquer en un claquement de doigt alors que vous vous êtes en train de galérer. Comment a t’il pu vous oublier aussi rapidement alors que vous vous étiez en train de vous résoudre à ce qu’il soit votre dernière histoire ? Et surtout, comment a t’il pu gagner cette course au recasage ?

En vrai vous n’êtes pas triste. Vous êtes vexée. En colère. Et vous détestez Carla.

Vous irez vous acheter un paquet de clopes non pas de 20 mais de 30. Virerez vos galettes de riz, et vos légumes. Les troquerez contre pot de Nutella et vin blanc. Résilierez votre abonnement yoga et méditation. Réinstallerez trois applications de rencontres.

Ca y’est. C’est la guerre.

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